vendredi 27 décembre 2013

Messe de mi-cuit


Il est un certain jour de l'année où l'on consacre, dans nos contrées, tout à la fois les arts de la table et ceux de l'étable. 
À minuit tapante, repus voire titubants, d'aucuns vont écouter la messe en quelque lieu de culte, ouvert - à l'heure des ténèbres - en cette exceptionnelle occasion.
Lilith, qui ne rate pas une fête, aime aussi quand Jésus crie. 
Cette nuit-là, elle jeta son dévolu sur l'église Saint-Merry qui ne l'avait, jusque ici, jamais déçue. Il s'y cachait une plaque miraculeuse, capable de revigorer le moral de tout athée atteint de sinistrose. De celles devant lesquelles on se plaît à rêver, aux temps - aujourd'hui, semble-t-il, révolus - où les révolutionnaires bouffaient volontiers du curé. 
Mais elle avait disparu...
Descellée à l'occasion de travaux de rénovation, elle ne retrouva pas sa place, au détriment de tous ceux qui venaient prier pour les martyrs de la révolution.
Dépitée, Lilith erra dans un Paris qui se plaît à dissoudre son histoire dans le présent éternel, quand, à l'approche de la place de la République, un temple, face à la bouche de métro du même nom, lui tendit les bras. 
Sans grande conviction, elle entra quand même. 
C'est alors que le bienheureux Georges Girault l'accueillit, et lui offrit - enfin - la récompense de ses transports nocturnes. En rentrant chez elle, du pas léger de ceux ayant obtenu l'absolution, elle se dit que si, décidément, les cathos déconnent, heureusement, on peut encore compter sur les protestants pour assurer la postérité des massacreurs du passé.


                                                                           photographie : Lilith Jaywalker

jeudi 12 décembre 2013

La Chingada

La Vérité, Jules Joseph Lefebvre, 1870.

" … Alors tout s’expliquait ; cette abominable gaupe, c’était la vérité. Comme elle était avachie ! il est vrai que les hommes se la repassent depuis tant de siècles ! au fait, quoi d’étonnant ? La vérité n’est-elle pas la grande Roulure de l’esprit, la Trainée de l’âme ? Dieu seul en effet sait si, depuis la genèse, celle-là s’est bruyamment galvaudée avec les premiers venus ! artistes et papes, cambrousiers et rois, tous l’avaient possédée et chacun avait acquis l’assurance qu’il la détenait à soi seul et fournissait, au moindre doute, des arguments sans réplique, des preuves irréfutables, décisives. Surnaturelle pour les uns, terrestre pour les autres, elle semait indifféremment la conviction dans la Mésopotamie des âmes élevées et dans la Sologne spirituelle des idiots ; elle caressait chacun, suivant son tempérament, suivant ses illusions et ses manies, suivant son âge, s’offrait à sa concupiscence de certitude, dans toutes les postures, sur toutes les faces, au choix. Il n’y a pas à dire, elle a l’air faux comme un jeton, conclut Jacques."


 J.K. Huysmans, En rade.

jeudi 5 décembre 2013

Vivre et laisser vomir

Camille Claudel, L'âge mûr.
La jeunesse, c'est la vieillesse toujours prête devant l'état du monde, et jusqu'à son dernier souffle, à faire profession d'effroi…