dimanche 2 février 2014

Mesclun-mesclun



Bien qu’ayant annoncé de longue date l’exposition du Musée d’Orsay consacrée au nu masculin, pressentie comme l’événement artistique de la rentrée 2013, Lilith ne s’y précipita pas et attendit la récente prolongation pour s’y rendre. 
Elle ne fut ni déçue ni enthousiasmée face à ce melting-pot de l’homme nu à travers les âges, où cohabitent (si l’on peut dire) la beauté grecque antique et le kitsch apollonien de Pierre et Gilles, à son goût (trop) démesurément représentés. Si de belles œuvres furent exposées, comme le bronze d’Arno Brecker – archétype de la beauté « aryenne » – sa proximité, pour ne pas dire promiscuité, avec la vulgarité d’une photographie géante de trois footballeurs en chaussettes, baskets et quéquette à l’air, enfroufroutée d’un cadre en poilou-poilou bleu blanc rouge, laissait à – ne pas – désirer.

                                 


C’est ainsi que l’émouvant corps en déclin du vieux Job de Léon Bonnat, les nus rachitiques d’Egon Schiele, la très sadomasochiste Flagellation du Christ de Bouguereau, le satanique Ange déchu de Cabanel, ou l’Atlas de Sterrer, pour ne citer qu’eux, étaient le plus souvent en bien mauvaise compagnie. Que celle-ci fût masculine ne suffit pas à donner à l’exposition une réelle cohérence. 




 

Car enfin, quel était le but de pareil assemblage ? Certainement pas de pallier l’absence de consécration de la beauté plastique masculine. La diversité de ses représentations au cours des siècles démontre aisément qu’elle n’a jamais été mise en doute. Il s’agissait plutôt d’offrir aux homosexuels une exposition toute tournée vers l’objet de leur désir. Mais c’était aussi les prendre pour ce qu’ils ne sauraient être : de rustres consommateurs d’hommes à poil, incapables, dans un musée ou ailleurs, de découvrir et d’apprécier un corps masculin sans qu’on leur mette le doigt dessus. 
En leur intimant : « allez, regardez bien, , c’en est un ! ». 


   L’égalité devant la mort de Bouguereau

À présent, donc, que ce non-événement a pris fin, ils feront comme ils ont toujours fait, à savoir s’arrêter – loin d’une foule agglutinée et empressée – devant des nus d’hommes sublimes, dont certains, comme L’égalité devant la mort de Bouguereau ou L’école de Platon de Delville, font partie de la collection permanente du Musée d’Orsay. Ce dernier tableau – qui clôturait l’exposition – va enfin retrouver sa salle n°59, son dôme vitré et la compagnie ordinaire de Sérénité, L’âge d’or ou L’amour et la vie, avec qui il s’entend bien mieux. Lilith va pouvoir s’y recueillir comme par le passé, et lire à Platon et ses disciples la nouvelle érotique qu’ils lui ont inspirée, et dont voici (dans l’attente de sa publication prochaine) un court extrait :

« Il manquait quelque chose d’essentiel au sacrement qui se préparait, une sorte de fluide magique auquel aucune entrée, même la mieux protégée, ne saurait résister. Mais également capable, dans les remous et les tourbillons, d’éviter l’affouillement fatal du creusement des eaux à la butée des rives, fussent-elles les plus fragiles.
Abderrazak regarda autour de lui et aperçut au loin, abritées derrière un rang de cyprès, une foultitude de ruches dressées au milieu d’un champ en contrebas. 
Il nous faudrait du miel, dit-il. »   

 Lilith Jaywalker, L’école de Platon in Recto/Verso (à paraître)


L’école de Platon (détail)





2 commentaires:

  1. Ca ne m'avait pas trop plu non plus. Des boeufs dans un aquarium, à faire déborder l'eau sale. Pas mieux.

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  2. …Pas mal de grenouilles qui se prenaient pour des bœufs, sans aucun doute…

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