samedi 31 janvier 2015

Prolongation (2)

 
Prison américaine d'Abou-Ghraïb, Irak, 2004.

J.-P. Witkin, Étirement des testicules avec risques d'écrasement du visage, 
Nouveau-Mexique (1982).

 J.-P. Witkin, La Femme qui fut un oiseau, 
Los Angeles (1990).


Propositions - entre mille autres - de ce qui aurait eu sa place dans l'exposition sur Sade, Attaquer le soleil, qui s'est achevée dimanche dernier, si le but de celle-ci n'eût été de révéler aux visiteurs néophites LE monstre du passé, en refermant son cercueil, telle une boite de Pandore, mais d'en célébrer, aussi, sa digne descendance, dans toutes ses manifestations, esthétiques, guerrières, sanguinaires, ou banalement cruelles...


dimanche 25 janvier 2015

Aube fatale

Fernand Khnopff, 
Avec Georges Rodenbach. Une ville morte (1889). 

 
Hier soir, dans ce bar, ses yeux n'étaient-ils pas bleus,
Son sourire enjôleur, son verbe délicieux ?
Le verre qu'il m'offrit ne se refusait pas,
Je le bus d'un trait, scellant ainsi le pacte de ce qui allait suivre,
Il cachait mes espoirs, lovés dans la liqueur, et je ne fus pas déçue.
Alors, que m'arrive-t-il encore ?
Serait-ce parce que j'ai joui qu'il a perdu tout charme,
Que sa conversation me lasse,
Que je me suis enfuie ?
Pourquoi faut-il que les rencontres de la nuit ne résistent pas même au seul lever du jour ?
 



lundi 19 janvier 2015

Prolongation

 Le rêve de la femme du pêcheur, Hokusai (1814).

Hier s'est achevée la très belle exposition consacrée à Hokusai, au Grand Palais.
Lilith ne peut résister à nous en prolonger le plaisir...

***

« Telle une pieuvre amoureuse, la femme ondulait entre les cuisses de Katia, s’enroulant autour d’elle, l’enserrant entre ses tentacules, avant de prendre sa vulve toute entière dans sa bouche gloutonne en se fixant sur elle par un effet de ventouse.
Sa succion était d’une violence et d’une volupté comparables à celles d’un bébé ayant fait ses premières dents et qui téterait en tirant sans ménagement sur le sein meurtri de sa mère.
Submergée par le plaisir et l’émotion, Katia sentit une larme couler sur chacune de ses joues, puis deux, puis trois, puis quatre, au même rythme que les gouttes qui s’échappaient de son ventre. Mais aucune d’elles ne tomba à terre. Comme de précieuses perles d’ambre, la femme les recueillait une à une dès leur apparition et, quand ses larmes devinrent de véritables sanglots, les gouttes ne firent plus qu’une, laissant place à un torrent de pisse chaude et fumante, dont le parfum âcre envahit en un instant l’habitacle. »

(Lilith Jaywalker, Ondine in Emeutia Erotika)

lundi 12 janvier 2015

La guerre civile en France

 
Lepaon face au Medef.
 
« Quand on est syndicaliste, 
heureusement qu'on rencontre des patrons, 
sinon c'est la guerre civile ! »
(Thierry Lepaon, Le Monde, 2 avril 2013).

jeudi 8 janvier 2015

La démocratie c'est cause toujours, la religion c'est ferme ta gueule !

« Peins un Mahomet glorieux, tu meurs.
Dessine un Mahomet rigolo, tu meurs.
Gribouille un Mahomet ignoble, tu meurs.
Réalise un film de merde sur Mahomet, tu meurs.
Tu résistes à la terreur religieuse, tu meurs.
Tu lèches le cul aux intégristes, tu meurs.
Prends un obscurantiste pour un abruti, tu meurs.
Essaie de débattre avec un obscurantiste, tu meurs.
Il n’y a rien à négocier avec les fascistes.
La liberté de nous marrer sans aucune retenue, 
la loi nous la donnait déjà, 
la violence systématique des extrémistes nous la donne aussi.
Merci, bande de cons. »

(Charb, Rire, bordel de Dieu, in Charlie Hebdo, octobre 2012).

vendredi 2 janvier 2015

Présence sur fond d'Absence...



Il ne possédait ni montre ni portable, ne décrochait pas le téléphone pour prendre les appels, mais n'avait jamais posé le moindre lapin à Lilith. Il suffisait de laisser un message sur son répondeur, pour le voir apparaître, à l'heure, sans qu'il eût jugé utile de confirmer sa venue.
Pour la sortie de Recto-Verso, Lilith l'avait invité, elle était impatiente de voir sa réaction quand il découvrirait que parmi tous les prénoms masculins qui s'offraient à elle, c'est Bruno qu'elle avait choisi pour le personnage principal de L'école de Platon. Elle le savait, comme elle, à la fois rat de musée et d'égout, toujours en quête du diamant qui brille au milieu de la merde, ou de la merde à foutre, chez ceux qui portent des diamants. La nouvelle a pour coeur un tableau symboliste, l'amour de deux hommes, l'un pour l'autre, leurs désirs pour tous les autres, et le cul, celui de Bruno donc, à la Fête...
Lilith avait choisi Bruno parce qu'elle voyait son personnage avec beaucoup de tendresse, et que cet ami était, avant tout, à ses yeux, très tendre.
Il était devenu un homme discret, comme préfèrent l'être, parfois, les grands excessifs, car au-dessus de tout, Bruno aimait l'excès. Plus jeune, en revanche, il se donnait à voir dans ces moments où la crainte de prendre un rateau auprès d'une demoiselle lui faisait choisir la certitude de se faire jeter. C'est ainsi qu'il avait vomi plus d'une fois sur le capot de la 204 de Lilith, ou s'était mis carpette, un soir où ils étaient allés seuls, tous les deux, dans une salle de concert de banlieue, écouter Little Bob Story, renonçant de la sorte à tenter une approche devenue, pour le coup, périlleuse, comme il le lui confierait plus tard.
D'amour, Lilith ne lui en connaît qu'un, qui prit fin autour de ses 27 ou 28 ans. Après, ce ne fut que sublimation, frustrations et phantasmes, venus enrichir de désirs paraphiles l'esprit du plus doux des hommes. Alors, ses proches disent parfois, pour vanner, que rien ne lui est passé dessus, à part le train. Parce que Bruno aurait dû mourir il y a de cela bien longtemps quand, avec 3,5 g d'alcool dans le sang, il traversa la voie ferrée d'une gare des Hauts-de-Seine, pour rejoindre au plus vite des amis, et que le rapide Irun/Paris lui roula dessus. Quand le convoi fut passé, et qu'il gisait au milieu de la voie, il se plaisait à raconter qu'il vit alors apparaître des pompiers qui couraient avec des sacs-poubelles, persuadés de ne retrouver qu'un puzzle. Dans cette aventure, Bruno ne laissa pas la vie, mais une fesse, décalottée par le crochet brinquebalant du dernier wagon. À un millimètre près, le nerf siatique eût été sectionné... Alors, quand Lilith vint lui rendre visite, à l'hôpital, rassuré, il plaisantait et n'était pas mécontent de goûter à la morphine dont il vantait les effets.
Au moment où elle choisit le prénom de Bruno pour son personnage, Lilith n'avait pas en tête cette singularité du postérieur de son ami, aujourd'hui qu'elle ressurgit à sa mémoire, c'est donc un double hommage qu'elle lui rend, en plaçant au centre de sa nouvelle le cul de Bruno qu'il avait perdu.
Si Bruno conjuguait ses amours au singulier, ses amitiés féminines, pour leur part, s'accordaient au pluriel. Lilith s'est longtemps cru la seule à passer la fin de nombre de nuits, dans sa voiture, à discuter avec lui, en bas de son immeuble, quand elle le raccompagnait. Elle passait tout en revue, ses conquêtes, ses déboires, ses envies, ses espoirs, il écoutait, conseillait, et ils riaient ensemble, jusqu'à ce que la batterie de la caisse soit à plat d'avoir, des heures, chauffé l'habitacle, et que Bruno disparaisse dans le rétroviseur, ayant poussé l'engin pour que Lilith redémarre. Plus tard, en parlant de lui avec des copines, Lilith découvrit que Bruno était le confident, l'ami intime de beaucoup de femmes. Sa bienveillance à leur endroit, si rare et si précieuse, va leur manquer, comme elle manque déjà à Lilith, de même que le partage de ses goûts, qu'il avait si sûrs. Car Lilith l'a espéré, mais Bruno n'est pas venu à la sortie de Recto-Verso..
Quelques jours plus tard, elle apprit qu'il avait été retrouvé mort, chez lui...
À l'instant ou Lilith écrit ces lignes, six jours ont passé, et l'on ne sait toujours pas quand, ni de quoi il est mort. Lilith pleure et ne veut pas y croire. Personne, semble-t-il, n'a encore reconnu le corps. Alors, celui que la police a emporté, celui que le médecin légiste est en train d'autopsier, n'est peut-être pas Bruno, mais un intrus venu mourir chez lui. Demain, il rentrera de l'on ne sait quelle débauche, et se demandera qui a bien pu laisser son logis dans un tel foutoir...
Hein, dis, Bruno, tu rentres demain ?

jeudi 1 janvier 2015

Nouvel âne

 

« C'était l'explosion du nouvel an : chaos de boue et de neige, traversé de mille carrosses, étincelant de joujoux et de bonbons, grouillant de cupidités et de désespoirs, délire officiel d'une grande ville fait pour troubler le cerveau du solitaire le plus fort.
Au milieu de ce tohu-bohu et de ce vacarme, un âne trottait vivement, harcelé par un malotru armé d'un fouet.
Comme l'âne allait tourner l'angle d'un trottoir, un beau monsieur ganté, verni, cruellement cravaté et emprisonné dans des habits tout neufs, s'inclina cérémonieusement devant l'humble bête, et lui dit, en ôtant son chapeau : " Je vous la souhaite bonne et heureuse ! " puis se retourna vers je ne sais quels camarades avec un air de fatuité, comme pour les prier d'ajouter leur approbation à son contentement.
L'âne ne vit pas ce beau plaisant, et continua de courir avec zèle où l'appelait son devoir.
Pour moi, je fus pris subitement d'une incommensurable rage contre ce magnifique imbécile, qui me parut concentrer en lui tout l'esprit de la France. »

(Baudelaire, Un plaisant, dans Le spleen de Paris.)