dimanche 24 mai 2015

SDF : un frisbee c'est un droit !


Alors qu'on nous promet une loi visant à faire du squat un délit, l'association Un ballon pour l'insertion prend les SDF pour des cons, relayée par un Libé (24/04/15) dégoulinant d'admiration pour la bonne idée et non moins bonne intention : emmener un échantillon de gueux "pour une semaine intensive" de remise à niveau physique, en oubliant la picole, le tout dans le Calvados !
" Ce jour-là, au programme, c'était frisbee. Un match entre les verts et les rouges... Cris de joie lorsqu'ils parviennent à marquer un point... Ils se donnent à fond et terminent en sueur et heureux... (dixit Libé). C'est une parenthèse dans leur vie. Nous, on essaie de créer une valeur ajoutée, explique Bennoît Danneau... (le Gentil Organisateur). Il n'y a pas que le sport dans ces stages de "remobilisation", poursuit Libé. Exemple : réunis autour d'une table, ils participent à un travail autour du rêve. Ils jouent à "si j'avais 20 ans " (...). Le paradis serait de vivre sans argent tout en pouvant se satisfaire des nécessités urgentes, rêve Serge (précise Libé). Mais attention : "ce ne sont pas des vacances (faudrait quand même pas exagérer, déjà qu'ils sont en vacances toute l'année !), il n'y a pas de grasse matinée, pas de fainéants, tout le monde joue le jeu, c'est ça qui est bien" apprécie celui qui a choisi les participants (et Libé avec). J'ai pris des gens calmes avec qui je suis sûr qu'il n'y aura pas de problèmes... (sic)."
À la fin du stage, ils n'auront toujours pas de logement, mais ils garderont leur frisbee, et, s'il pleut, pourront toujours se le mettre sur la tête ! 
MERCI QUI ?

samedi 16 mai 2015

Vodkanalyse



« La vodka ne fait jamais mal lorsqu’on la boit à deux. Le principe du toast a été inventé par les Russes pour se passer de la psychanalyse. Au premier verre, on se met en train ; au second, on parle sincèrement ; au troisième, on vide son sac et, ensuite, on montre l’envers de son âme, on ouvre la bonde de son coeur, et tout – rancoeurs enfouies, secrets fossilisés et grandeurs contenues – finit par se dissoudre ou se révéler dans le bain éthylique. »

(Sylvain Tesson, Le phare, in Une vie à coucher dehors)

jeudi 7 mai 2015

Entrelacifs...

(Photographie : Lilith Jaywalker)

« Il regardait, étonné, ce chaos de plantes et d'arbres. Depuis combien de temps ce jardin était-il laissé à l'abandon ? Çà et là, de grands chênes élancés de travers se croisaient et, morts de vieillesse, servaient d'appui aux parasites qui s'enroulaient entre eux, s'embranchaient en de fins réseaux serrés par des boucles, pendaient, tels que des filets aux mailles vertes, remplis d'une rustique pêche de frondaisons ; des cognassiers, des poiriers se feuillaient plus loin, mais leur sève affaiblie était inerte à procréer des fruits. Toutes les fleurs cultivées des parterres étaient mortes ; c'était un inextricable écheveau de racines et de lianes, une invasion de chiendent, un assaut de plantes potagères aux graines portées par le vent, de légumes incomestibles, aux pulpes laineuses, aux chairs déformées et suries par la solitude dans une terre en friche.
Et un silence qu'interrompaient parfois des cris d'oiseaux effarouchés, des sauts de lapins dérangés et fuyants planait sur ce désordre de nature, sur cette jacquerie des espèces paysannes et des ivraies, enfin maîtresse d'un sol engraissé par le carnage des essences féodales et des fleurs princières.
Mélancoliquement, il songeait à ce cynique brigandage de la nature si servilement copié par l'homme. »

(Huysmans, En rade)